Battage médiatique et problèmes à Jakarta

Le pape François n’est pas seulement applaudi lors de sa visite en Indonésie. Les Papous en particulier sont mécontents qu’il ne dise rien de leur situation.

Djakarta | Des milliers de personnes – catholiques et musulmans – se sont rassemblées jeudi dans la rue devant la mosquée d’État de l’Istiqlal en Indonésie pour apercevoir le pape François. Lorsqu’il arrive dans sa Toyota blanche, rien ne peut l’arrêter. La foule se précipite vers la voiture, leurs téléphones portables dégainés, les femmes crient comme si « l’homme le plus sexy du monde » était apparu en chair et en os. Un pape n’est qu’une célébrité.

Auparavant, François et le grand imam Nasaruddin Umar avaient signé la « Déclaration de l’Istiqlal » sur la tolérance religieuse devant un groupe d’invités illustres dans une tente bordée aux couleurs nationales rouge et blanc devant la mosquée. Parmi les témoins figuraient des représentants de haut rang du bouddhisme, de l’hindouisme, du confucianisme et du protestantisme, les religions officiellement reconnues d’Indonésie aux côtés de l’islam et du catholicisme.

Le fait que les médias locaux aient omis la présence d’un représentant des « penghayat kepercayaan » – les « croyants » – a provoqué une vive émotion parmi les Indonésiens les plus éclairés. Suite à une décision de la Cour constitutionnelle, les quelque 20 millions d’adeptes des religions indigènes peuvent désormais faire inscrire ce terme sur leur carte d’identité.

Les politiciens et partis musulmans conservateurs ont été indignés par la demande du ministre de la Religion Yaqut Cholil Qoumas aux chaînes de télévision de suspendre la vidéo habituelle de la prière islamique du soir pendant la retransmission télévisée en direct du service papal du soir. Pour Hidayat Nur Wahid, du parti islamique PKS et vice-président du Parlement, cette concession était une insulte aux musulmans. « La foire dure deux heures. Nous les tolérons, mais notre demande de cinq minutes n’est pas accordée. Est-ce que c’est de la tolérance ?

Jésus nu sur la croix peut être considéré comme de la pornographie

Pour l’adventiste du septième jour Begin Siantiura, le pape est « la bête », c’est-à-dire le diable. Siantiura se tient seul devant la gare très fréquentée de Bundaran Hi, dans la rue Thamrin, avec une immense affiche aux couleurs dramatiques et le titre « La Grande Bataille ».

Dans la moitié sombre de l’image, des cavaliers sauvages galopent à travers un incendie, négligé par le pape et la Maison Blanche à Washington. A droite, un chevalier en armure médiévale, une épée à la main et une couronne sur la tête, s’élance hors de la lumière sur un cheval blanc. «C’est Jésus, notre Sauveur», explique Siantiura.

Mais ce qui a vraiment attiré l’attention, ce sont les étudiants catholiques de Papouasie qui, debout devant l’ambassade du Vatican à Jakarta, ont affiché des affiches avec des photos du Pape et des citations bibliques, suppliant François de dénoncer l’oppression de leur peuple par l’armée et l’exploitation de leur pays par les sociétés internationales.

Trois Papous sont apparus dans leur tenue traditionnelle : nus, avec des couronnes de plumes colorées sur la tête et d’énormes gaines péniennes. La police a empêché les Papous de marcher vers le monument de l’indépendance de Monas. Cependant, la police a décidé de ne pas arrêter les détenteurs de gaines péniennes, même si la loi sur la pornographie interdit toute forme de nudité considérée comme pornographique.

À proprement parler, même un Jésus nu sur la croix constitue un délit de pornographie. De telles lois morales sont souvent adoptées en Indonésie pour apaiser l’électorat musulman conservateur et finissent ensuite dans les tiroirs. Ils ne sont généralement manifestés que pour neutraliser les opposants politiques.

Dans la communauté papoue de Jakarta et surtout à Jayapura en Papouasie, on parlera probablement longtemps encore du fait que le pape n’a rien dit sur les violations massives des droits de l’homme contre les Papous. Selon les rumeurs qui circulent à Jakarta, il a été fortement conseillé au pape d’éviter le sujet politique tabou de la Papouasie.

Vendredi, le pape s’est rendu en Papouasie-Nouvelle-Guinée après sa visite de trois jours à Jakarta. Rudi Kogoya, l’un des manifestants, dit avec espoir : « Peut-être qu’il dira là quelque chose sur nos souffrances. Il n’a pas à prendre en compte des considérations diplomatiques.