Gouvernement guinéen dissous : l’armée passe à l’action

La junte militaire guinéenne limoge tous les ministres et confisque leurs comptes et passeports. Les mesures de sécurité ont été renforcées dans la capitale.

CONAKRY La junte militaire guinéenne a dissous le gouvernement civil du pays, exacerbant encore davantage l’instabilité politique. Dans un geste drastique lundi soir, le général de brigade Amara Camara, secrétaire général du président Mamady Doumbouya, a annoncé le limogeage du Premier ministre Bernard Goumou et la dissolution du cabinet gouvernemental avec effet immédiat.

Les ministres précédents ont été priés de remettre leur voiture officielle et de présenter leur passeport à la présidence. Leurs comptes bancaires sont également gelés. Tous les documents et cachets officiels doivent être laissés sur place.

Jusqu’à ce qu’un nouveau gouvernement soit formé, les vice-ministres ou même les fonctionnaires de rang inférieur devraient diriger les affaires des ministères. Le général Camara a reçu mardi les directeurs de cabinet et les secrétaires généraux des ministères et, au nom du Président, leur a exprimé sa confiance pour poursuivre leurs fonctions officielles.

Depuis le coup d’État de septembre 2021, la Guinée est dirigée par la junte militaire du CNRD (Comité national pour la réconciliation et le développement) dirigée par le colonel Mamady Doumouya, ancien commandant des forces spéciales guinéennes. Les ministères sont subordonnés au CNRD. Le Premier ministre civil Goumou, nommé par Doumbouya, était en poste depuis juillet 2022.

Postes de contrôle et patrouilles dans la capitale

La dissolution du gouvernement s’est accompagnée de strictes mesures de sécurité, notamment dans la capitale Conakry. Des points de contrôle militaires dans les rues et des patrouilles de rue accrues étaient visibles. Des manifestations étaient attendues pour ou contre la dissolution du gouvernement. Lundi, deux lycéens ont été abattus lors de troubles dans un quartier de la capitale ; leurs familles ont blâmé la gendarmerie.

La junte a également annoncé la fermeture de toutes les frontières jusqu’au transfert complet des ministères au CNRD, l’aéroport international de Conakry restant initialement ouvert mardi.

L’action drastique des militaires se justifie par la nécessité d’apporter une « bouffée d’air frais », selon l’expression du général Camara. «C’était inévitable», déclare le militant politique Sekou Diallo à Conakry. « Le pays doit se libérer à 100 pour cent de l’influence française tout en enfouissant tout soupçon de corruption au sein de la direction. »

Alhassane Camara, responsable étudiant à l’Université Mercure Internationale, estime qu’il était clair que la Guinée devait maintenant passer par une phase d’élimination des « marionnettes de l’Occident ». « Aucune liberté ne vient sans sacrifice, effusion de sang ou lutte. Nous voulons que nos jeunes, pères et mères, bénéficient des fruits de la liberté sans que la Guinée ait à obéir à un autre pays. J’espère que le changement de gouvernement signifiera aussi la fin de la corruption, la corruption est un cancer qui entrave le développement.

L’armée règne depuis 2021

Le changement de gouvernement est l’étape politique la plus spectaculaire depuis le coup d’État de septembre 2021. À cette époque, le président élu de Guinée, Alpha Condé, avait été renversé par l’armée dirigée par le colonel Doumbouya après avoir été réélu pour un troisième mandat anticonstitutionnel. Même si le coup d’État était également anticonstitutionnel, il a été accueilli par la jeune génération comme une mesure contre le néocolonialisme français. Condé avait longtemps vécu en exil en France sous les précédentes dictatures militaires. Il y avait déjà eu des coups d’État militaires au Mali voisin.

Mais le pays de 24 millions d’habitants ne s’est pas calmé. En novembre, des hommes armés ont attaqué la prison centrale de Conakry et libéré l’ancien dictateur militaire Moussa Dadis Camara, qui a dirigé la Guinée de 2008 à 2010 et est jugé pour le massacre de plus de 150 manifestants en 2009. Dadis a été repris, mais pas son ancien bras droit Claude Pivi ; Depuis lors, le procès du massacre de 2009 est au point mort.

En décembre, des troubles ont éclaté à Conakry après l’explosion du dépôt central de carburant de la capitale, tuant 24 personnes et entraînant une pénurie d’essence.