Le mouvement de protestation au Kenya continue de se mobiliser malgré le retrait par le président de la loi budgétaire controversée. De nouveaux troubles sont à craindre.
NAIROBI | En retirant le projet de budget controversé après des protestations meurtrières, le président du Kenya, William Ruto, a épargné à son pays de nouvelles effusions de sang. Mais la crise n’est pas terminée.
Une présence sécuritaire accrue restait visible jeudi matin dans la capitale Nairobi, en particulier autour du palais présidentiel, du bâtiment du Parlement, d’autres bâtiments gouvernementaux et des principales autoroutes de la ville. De nouveaux affrontements ne peuvent être exclus si le mouvement de protestation descend à nouveau dans la rue comme annoncé.
Les violences de mardi ont montré à quel point cela peut s’avérer brutal, avec 23 morts selon la Commission kenyane des droits de l’homme – six selon le gouvernement.
Le gouvernement Ruto se trouve désormais à la croisée des chemins. Il doit regagner la confiance de la population, notamment de la jeunesse, qui autrefois l’a massivement soutenu, puis est devenue la principale victime de la crise économique et est désormais à l’avant-garde des manifestations avec le mouvement de contestation « Génération Z ». Aujourd’hui, de nombreux parents pleurent leurs enfants abattus.
Ruto se présente désormais comme un président qui, lorsqu’il a été élu en 2022, a promis d’aider les masses et a tiré sa crédibilité de ses humbles origines – lorsqu’il était jeune homme, il vendait des poulets sur le bord de la route avant de gravir les échelons – et maintenant, où il est au pouvoir et a voulu en faire trop avec des impôts supplémentaires. Il a arrêté le projet pour l’instant, mais cela crée des difficultés sur un autre front : celui du service de la dette. Pour y parvenir, le gouvernement a absolument besoin de plus de revenus, et le Fonds monétaire international (FMI) lance déjà des avertissements.
Des tons conciliants envers les manifestants
L’alliance au pouvoir Kenya Kwanza (Kenya First) est divisée sur l’avenir, et Ruto fait face à sa plus dure épreuve de force depuis son élection en 2022.
Ruto a adopté un ton conciliant envers les manifestants. Ce n’est que mardi soir, après l’assaut des bâtiments gouvernementaux et les pillages à Nairobi, qu’il a défendu le mouvement de contestation, « détourné » par des criminels. Mercredi, il a déclaré : « Je cède. Je ne signerai pas la loi de finances 2024 et elle sera retirée. Le peuple a parlé. » Il a promis aux jeunes « des efforts intersectoriels pour trouver des solutions aux problèmes d’intérêt national ».
Mais le mouvement de protestation, qui a récemment réclamé la démission de Ruto, n’y croit pas. « Je ne pense pas que la jeunesse kenyane va céder maintenant », estime l’analyste Claude Onyango. « Elle veut que le président s’en aille et que tout soit dissous. »