Certains drones et missiles iraniens ont été interceptés par l’armée de l’air jordanienne. Mais les relations d'Amman avec Israël restent tendues, selon un expert.
: Monsieur Abu-Dalbouh, la Jordanie est limitrophe d'Israël et de la Cisjordanie ainsi que de la Syrie et de l'Irak, pays voisin de l'Iran. Le royaume est donc littéralement au milieu du conflit.
Né en 1967, il est professeur de relations internationales à l'Université de Jordanie à Amman.
Walid Abou Dalbouh : Je dirais que la géopolitique jordanienne joue un rôle très important dans les événements politiques et militaires de la région. Sa situation géographique peut être un avantage, mais elle peut aussi se retourner contre vous. Selon le scénario, des frappes aériennes d’Israël sur l’Iran ou de l’Iran sur Israël pourraient être observées dans le ciel jordanien. Cela met beaucoup de pression sur Jordan. Il s’agit notamment de savoir comment le pays peut maintenir sa sécurité et sa souveraineté tout en les gérant au niveau politique.
Sa réponse, en abattant des drones iraniens, était-elle donc avant tout une question de sécurité et de souveraineté ? Ou un signal à l’Iran ?
Il s'agit de la souveraineté de la Jordanie. Et peut-être aussi sur la sécurité. L'espace aérien jordanien ne doit pas être violé. Mais la Jordanie est très proche du camp occidental. Il y a ici deux bases militaires américaines. Si la Jordanie doit prendre une décision, elle se rapprochera de l’Occident en cas de doute. Mais la Jordanie a déjà de quoi s'inquiéter avec les groupes chiites présents dans le nord du pays et le trafic de drogue.
Ils font référence au trafic d’armes et de drogue en provenance de Syrie, dans lequel seraient impliquées des milices prétendument soutenues par l’Iran, ce que l’Iran nie. Et le Kataib Hezbollah irakien, qui aurait tué trois soldats américains en Jordanie en janvier.
Ces problèmes ne disparaîtront pas de sitôt et pourraient s’aggraver dans un avenir proche. C’est pourquoi la Jordanie tente de se mettre en position neutre face à l’escalade croissante entre l’Iran et le camp occidental.
La Jordanie se trouve également dans une situation politique complexe : elle est un allié de l’Occident, mais entretient également des liens étroits avec la population palestinienne. De nombreux Jordaniens sont d'origine palestinienne.
Dès le début, la Jordanie a préconisé une solution pacifique au conflit fondée sur la résolution de l’ONU. Mais il y a eu tellement de pressions sur les décideurs, des appels à l’annulation de l’accord de paix avec Israël. Ils augmentent parce que de nombreux civils meurent à Gaza. Le gouvernement se trouve donc dans une position très difficile. Il s'agit de savoir comment maintenir l'équilibre entre les demandes des citoyens et ce qui est lié aux relations politiques avec Israël. C'est là le dilemme.
Dans quelle mesure les menaces iraniennes doivent-elles être prises au sérieux ?
C'était la première fois que des missiles étaient tirés depuis le sol iranien. Mais dans l’ensemble, ce n’était pas particulièrement menaçant. L’une des raisons pourrait être que l’Iran a dû riposter pour sauver la face. Mais je ne pense pas que les deux parties souhaitent vraiment une escalade. Et le président américain Biden a alors recommandé à Israël de ne pas contre-attaquer. Mais nous ne pouvons pas savoir comment la situation évoluera à l’avenir.