Avec des milliers de soldats et de soutien, le Rwanda a rendu possible les succès des rebelles du M23 en RDC, ont constaté des experts de l’ONU.
BERLIN | L’armée rwandaise joue un « rôle direct et crucial » dans les récents succès du mouvement rebelle M23 (Mouvement du 23 Mars) dans l’est de la République démocratique du Congo. Le groupe d’experts du Comité des sanctions de l’ONU, qui surveille les sanctions contre les groupes armés congolais, a porté cette accusation dans son nouveau rapport publié en début de semaine.
Le document explosif estime « de manière prudente » le nombre de soldats rwandais dans le M23 dans la province congolaise orientale du Nord-Kivu entre 3 000 et 4 000 et nomme des unités individuelles et des commandants. Des armes modernes et des forces spéciales ont été utilisées. Les capacités opérationnelles du M23 dépendent des forces armées rwandaises, indique-t-il ; leur présence « mérite des sanctions » et « viole la souveraineté et l’intégrité territoriale du Congo ».
Rarement les rapports réguliers de l’ONU sur les sanctions contre la RDC ont porté des accusations aussi directes contre le Rwanda. Le gouvernement rwandais se considère comme une force de protection des Tutsis congolais, dans les rangs desquels est recruté le noyau du M23, et accuse le gouvernement congolais de collaborer avec la milice hutu rwandaise FDLR (Forces démocratiques pour la défense du Rwanda), l’organisation qui a succédé au L’ancienne armée rwandaise, responsable du génocide, a tué jusqu’à un million de Tutsis au Rwanda en 1994, puis a fui vers le Congo.
Les FDLR sont actives contre les rebelles du M23 « sur des positions au front, également à la demande de l’armée », explique le rapport de l’ONU. 1 000 à 1 500 combattants FDLR sont actifs dans la zone de combat, organisés en trois bataillons, et le gouverneur provincial du Nord-Kivu, le général-major Cirimwami, mis à disposition par l’armée congolaise, « offre aux FDLR du matériel militaire et de l’argent en échange de leur rôle dans la lutte contre le M23″, affirment les experts de l’ONU.
Violations massives des droits de l’homme
Il s’agit d’une violation des sanctions, tout comme l’équipement des milices « patriotiques » locales pour combattre le M23 par l’armée congolaise. Toutes les parties en guerre sont également accusées de violations massives des droits de l’homme dans le rapport de l’ONU.
La porte-parole du gouvernement rwandais, Yolande Makolo, a déclaré en réponse au rapport de l’ONU que le président congolais Félix Tshisekedi « a menacé à plusieurs reprises de déclarer la guerre au Rwanda » – justifiant, sans confirmer, le rôle du Rwanda en RDC. La ministre congolaise des Affaires étrangères, Thérèse Kayikwamba Wagner, a déclaré que les conclusions de l’ONU étaient cohérentes avec les siennes et que cette question serait soulevée diplomatiquement.
Le rapport est antérieur aux dernières conquêtes du M23 au Nord-Kivu, qui ont considérablement étendu le contrôle des rebelles vers le nord. Le groupe rebelle AFC (Alliance du fleuve Congo), auquel appartient le M23, recrute depuis de nouveaux combattants congolais et appelle à une « révolution » en RD Congo.
Un cessez-le-feu négocié par les États-Unis entre l’armée congolaise et le M23 est en vigueur depuis la fin de la semaine dernière, mais les efforts visant à mener des négociations entre le Congo et le Rwanda n’ont jusqu’à présent pas été fructueux. La réunion des ministres des Affaires étrangères organisée dimanche sur l’île tanzanienne de Zanzibar n’a pas abouti.
Les conclusions de l’ONU circulent depuis des semaines parmi les diplomates et alimentent les discussions au niveau européen sur les sanctions contre le Rwanda. Des demandes correspondantes ont été formulées récemment, notamment auprès du ministère des Affaires étrangères à Berlin.
Le projet de doubler l’aide militaire de l’UE de 20 millions d’euros approuvée en 2022 pour la force d’intervention rwandaise au Mozambique, forte de 2 500 hommes et qui combat les rebelles islamistes à la demande du gouvernement local, serait déjà suspendu.