Pérou : les atteintes à la liberté de la presse mettent en danger la démocratie

Lima. L’Association nationale des journalistes du Pérou (ANP) a rapporté que la police avait attaqué et blessé 25 journalistes, dont 14 avec des balles en caoutchouc, lors de manifestations contre l’investiture du président par intérim José Jeri Oré, le 15 octobre.

Depuis le 13 septembre, il y a une vague de manifestations au Pérou. Soutenue par la jeune génération, les étudiants et les syndicats, elle s’attaque à la corruption et à la violence croissante dans le pays. Même la destitution de la présidente péruvienne Dina Boluarte, le 10 octobre, n’a pas laissé les protestations s’apaiser.

Il y a toujours des affrontements violents avec la police. Le premier décès s’est produit lors de la manifestation du 15 octobre : un policier a tué par balle Mauricio Ruiz Sanz, 32 ans (a rapporté Amerika21). De nombreuses personnes ont également été blessées. Avec les manifestations des dernières semaines, le nombre total de blessés s’élève à au moins 150.

Ce qui est frappant, c’est la forte proportion de journalistes blessés. L’ANP a dénombré jusqu’à présent un total de 51 personnes, soit un tiers de tous les blessés. La proportion est encore nettement plus élevée si l’on exclut les policiers blessés du calcul.

Même si des manifestants ont également attaqué des journalistes, selon l’ANP, les forces de sécurité de l’État en sont en grande partie responsables.

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Deux journalistes ont déjà été assassinés au Pérou en 2025. Il s’agit des premiers assassinats de journalistes connus dans le pays depuis 2017. C’est l’une des raisons pour lesquelles le Pérou a perdu en trois ans 53 places dans le classement mondial de la liberté de la presse établi par l’ONG Reporters sans frontières (ROG) et se classe désormais 130e sur 180. Une autre raison est plusieurs initiatives législatives dirigées contre la liberté de la presse.

Le 13 mars, la « loi bâillon » a été adoptée en première lecture au Congrès. Il augmenterait les peines de prison pour diffamation jusqu’à cinq ans et réduirait le délai accordé aux médias pour corriger les fausses informations de sept jours à 24 heures. En outre, des infractions pénales vaguement définies sont introduites, telles que la « violation de la vie privée ». Ces mesures pourraient être utilisées pour criminaliser le travail journalistique.

Un mois plus tard, Boluarte signait la loi régissant l’Agence péruvienne de coopération internationale (APCI). La loi exige que les projets des organisations de la société civile, y compris des médias indépendants, financés par des fonds étrangers soient d’abord soumis à l’approbation du gouvernement. La Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) avait déjà exprimé en mai ses inquiétudes concernant cette loi et son impact sur les médias et les journalistes.

Le ROG met également en garde contre les développements au Pérou. Artur Romeu, directeur de la section Amérique latine du ROG, y voit une menace pour la démocratie : « Cette escalade alarmante de la violence et la persécution judiciaire contre les journalistes amènent la démocratie péruvienne au bord de l’effondrement. Le gouvernement doit mettre fin à son hostilité envers la presse et prendre de toute urgence des mesures concrètes pour garantir la sécurité et l’indépendance des journalistes. »